Un tableau-Des mots (2) Le Greffier.
Le gros carton trône au milieu du séjour.
Bakélite, le chat, se frotte contre lui en ondulant.
Il en est encore à jouer avec les billes d’emballage que je suis déjà devant mon nouvel ordinateur.
Bakélite saute sur la table. Il s’intéresse à mes travaux.
Il entretient depuis longtemps des rapports étroits avec l’informatique. Après avoir épuisé la puissance ludique des feuilles volantes, il s’est pris de passion pour l’imprimante qui a le bon goût de ronronner comme lui. Il regarde disparaître la feuille et aide avec sa patte à ce qu’elle ressorte, guettant comme il pourrait le faire si les fentes de mon plancher abritaient des souris. (J’ai vu la même expression dans les yeux de ceux qui imaginent des lapins en voyant un chapeau haut de forme.)
Aujourd’hui, c’est le grand écran qui le fascine. Il regarde avec attention ces petites bêtes alignées, essaye d’en attraper une, et fait mine de se désintéresser puisqu’elles ne fuient même pas.
Je continue à taper . Il essaye d’une patte. Ca marche. Deux pattes : encore mieux. Le voilà sur le clavier tapant avec les quatre. Il trouve cela passionnant. Nous nous disputons la place.
Excédé, je lui reproche d’écrire des sottises. Il prend la pose du chat vexé avec grand luxe de détails et va, dit-il, s’inscrire sur le champ dans une école de journalisme.
Deux ans sont passés, mais je suis encore étonné quand je lis dans le journal local sa signature sous la rubrique des chiens écrasés.
Jean D.